Deux conseils concrets pour faire face à un conflit de groupe

Il y a peu de temps, je vous partageais 7 outils de prévention des conflits, aujourd’hui, j’aimerais aller un peu plus loin, et parler de quoi faire quand un conflit est là (et oui, ça arrive toujours, malgré la prévention !). 

Dans cet article je vous partage 2 conseils qui m’ont beaucoup aidée à traverser des conflits en collectif.

1/ Ne pas escalader au conflit de personnes 

La première étape quand je vis un conflit, c’est de ne surtout pas personnaliser le conflit et de revenir autant que possible au conflit d’objets. 

Un conflit d’objet, c’est quelque chose de concret qui peut trouver une solution concrète. On peut aussi l’appeler un problème. 

Est-ce qu’on va choisir tel ou tel artisan pour rénover la grange ? Quelles priorités pour cette année : l’habitat sur place ou l’activité économique ? Qu’est-ce qu’on démarre en premier ?

C’est un problème avec une réponse, quand on aura répondu, le problème aura disparu. Il faut faire un choix. Et bien sûr, dans un groupe, c’est souvent difficile de faire un choix, mais on parlera de cette question dans un autre article ! 

Un conflit de personne, c’est confondre la personne et son opinion ou son action, c’est en vouloir à quelqu’un, se couper de quelqu’un, à cause de son opinion différente de la mienne, ou de quelque chose qu’il ou elle a fait. 

C’est quand on n’est pas d’accord avec quelqu’un et que du coup, on ne l’apprécie plus pour qui il ou elle est, qu’on n’est plus capable d’être avec cette personne. 

Je crois que c’est un de nos gros défis que de réussir à être avec des personnes avec lesquelles on n’est pas d’accord et de continuer à être curieux de ces personnes. 

Il y a deux choses qui nous en empêchent souvent :

  • la peur que si je les écoute sans les contredire immédiatement, elles pensent que je suis d’accord, et qu’elles “gagnent”, 
  • et l’envie d’avoir raison.

Si je reviens sur cette envie d’avoir raison, elle constitue un poison pour la relation. Mon envie d’avoir raison me coupe de l’autre personne et fait de la discussion un rapport de force, avec un gagnant et un perdant. J’ai peut-être raison, l’autre l’a peut-être reconnu, mais j’ai perdu quelque chose de notre relation. 

Au final, qu’est-ce que ça m’apporte d’avoir raison ? Pourquoi est-ce que c’est important pour moi ? Qu’est-ce que je gagne à part une validation personnelle ? Un sentiment interne d’autosatisfaction ? Et à quel prix est-ce que j’ai raison ? Comment je me sens après avoir “eu raison” ? 

Alors, bien sûr, il y a tout ce qui est objectif, et tout ce qui est subjectif. Sur l’objectif, on peut se mettre d’accord, personne n’a raison, personne n’a tort, il y a des faits (quoiqu’aujourd’hui, on le voit avec les grands sujets de société, il est de plus en plus difficile de revenir à des faits et de se mettre d’accord sur quelque chose d’objectif). Mais sur le subjectif, sur le sens que je donne à tel ou tel fait, chacun a son opinion. 

Pour me débarrasser de mon envie d’avoir raison, le plus important est de réaliser que mon opinion est un choix, qui est le fruit de mon expérience, de mon histoire, mon éducation, mes choix de vie, mes croyances. Et c’est pareil pour l’autre personne. 

Finalement, si quelqu’un n’est pas d’accord avec moi, cela devient une richesse car je peux aller explorer comment cette personne en arrive à cette interprétation des faits, et je peux découvrir un peu plus comment elle fonctionne, d’où elle vient, son histoire. 

D’une certaine manière, l’idée est de réussir à parler avec l’autre ou les autres sans essayer de les convaincre, de les changer, de les manipuler ou de contrôler ce qu’il ou elle pense, mais bien plutôt avec un esprit d’ouverture et d’échanges. Et d’être bien attentif à rester sur le conflit d’objet. 

Je finis avec un exemple : un soir, je nettoyais le sol de notre salle à manger commune, et j’ai posé la pelle sale sur une table. Une co-habitante m’a dit “quoi ? mais tu peux pas mettre la pelle là ! c’est dégueulasse !” Alors j’ai enlevé la pelle. Je comprends son argument, je passerai un coup de chiffon sur la table pour la nettoyer. Et c’est là qu’elle a insisté “mais tu te rends pas compte que c’est sale ? quel genre de personne peut penser qu’on peut mettre une pelle sale sur une table où on va manger ?” C’est là qu’on a commencé à glisser du conflit d’objet au conflit de personnes : le problème était résolu, la pelle était sur le sol, mais parfois on a envie d’aller plus loin, et là, presque, il fallait que je lui prouve que je n’étais pas une souillonne en général. Et aussi, c’est comme si, au-delà de l’objet de notre désaccord, il y avait une envie profonde de se retrouver et se montrer qu’on n’est pas si loin que ça, que je ne suis pas une personne si sale, qu’on est finalement d’accord sur nos systèmes de représentation. Sauf que ce soir-là, j’étais fatiguée, et bien sûr, on aurait pu parler longtemps de cette pelle et cette balayette, mais parfois, on peut juste s’en tenir au conflit d’objet, qui se résout facilement. Et se mettre d’accord et comprendre nos cultures différentes du ménage et de la propreté, ça sera pour une autre fois !

2/ Escalader au conflit de polarités pour prendre du recul

Dans certains conflits, il peut être utile de prendre du recul par rapport au problème en question, au conflit d’objet, et d’aller voir le conflit de polarités qu’il illustre, c’est-à-dire de dézoomer et d’aller chercher la vue d’ensemble. Car bien souvent, un problème a du mal à être résolu car il est la manifestation d’une polarité sous-jacente dans le groupe et on pense qu’il faut faire un choix définitif entre deux polarités sur cette décision. 

Par exemple, dans un groupe qui construit son habitat et achète des équipements en commun, on peut vouloir être sobre et faire de la récup, et en même temps vouloir acheter de la bonne qualité écologique, locale et chère. Si on reste focalisé sur la question de l’achat du matériel de la cuisine commune, le groupe peut avoir du mal à décider car se joue en arrière-plan cette polarité qui mérite d’être vue sur le temps long dans le groupe.

L’idée avec les polarités, ce n’est surtout pas de les équilibrer, de trouver un juste milieu, mais plutôt d’accepter de marcher sur deux jambes et pas sur une seule. Nous avons tous un pied favori (les surfeurs parlent de goofy ou de regular, selon quelle jambe est la plus “forte), mais si on restait toujours sur cette jambe dominante, préférée, et qu’on ne voulait jamais porter son poids sur l’autre jambe, on n’irait pas bien loin ! 

Voilà une petite vidéo qui présente la carte des polarités. 

 

J’espère que ça vous aura parlé et aidé dans vos conflits ! Et si vous avez besoin de soutien, on est là 😉

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L’erreur numéro 1 que font les collectifs qui ont des difficultés relationnelles

Comment se préparer aux conflits de groupe ?

Pourquoi la méditation n’est pas la solution quand j’ai un conflit avec quelqu’un ?

7 outils de prévention des conflits

Et si vous essayiez le Processwork ? 

Plaidoyer pour une culture du conflit dans les oasis

Encore plus de conseils pour celles et ceux qui vivent ou souhaitent vivre oasis dans le livre Vivre ensemble en écolieu écrit par Daphné Vialan, accompagnatrice à la Coopérative Oasis sur le volet humain.

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Daphné Vialan

Daphné Vialan

Daphné Vialan est passionnée par la vie en collectif et le vivre-ensemble. Elle a habité plusieurs années à l’Arche de Saint-Antoine, et habite maintenant au sein d’un collectif en formation au Nord d’Agen.

Elle accompagne des collectifs à prendre soin de leurs relations au sein de la Coopérative Oasis.

Son expérience personnelle, alliée à ses multiples formations (CNV, gouvernance partagée, dynamique de groupe, transformation constructive des conflits, Processwork et Clean Coaching) font de son travail une combinaison unique qui réunit le cœur et la tête.

Ludovic Simon

Ludovic Simon

Citoyen engagé dans la vallée de la Drôme, amoureux des expériences de coopération et de gouvernance partagée, entrepreneur dans sa vie d’avant et auto-constructeur de maison, Ludovic accompagne des projets d’oasis et d’habitat participatif sur les aspects juridiques, financiers et humains.

Après des études en management de l’innovation à Polytech, il a cofondé plusieurs projets coopératifs : une société en gouvernance partagée dans le domaine de l’emploi avec 10 salariés et 2 millions d’utilisateurs inscrits, un tiers lieu de 3000 m² à Nantes (la Cantine), un évènement professionnel qui rassemble plus de 10 000 personnes sur 3 jours…

Il a également accompagner de nombreux porteurs et porteuses de projets, en notamment dans le secteur de l’ESS.

Ramïn Farhangi

CooperativeOasis_Ramin_Village de Pourgues

Ramïn Farhangi est le cofondateur de l’école Dynamique à Paris (2015), réputée pour être une des premières écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent de leurs journées. Il a également cofondé le réseau national de l’éducation démocratique EUDEC France (2016). Il est l’auteur de Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent (Actes Sud, 2018).

En 2017, il fonde l’écovillage de Pourgues, où il facilite des formations sur la vie collective et le leadership puis rejoint l’équipe opérationnelle de la Coopérative Oasis en 2022 comme animateur du réseau des oasis et accompagnant.

Il est également le fondateur de l’association Enfance Libre qui réunit des désobéissants afin de contester la suppression du régime légal de l’Instruction En Famille.

Coralie Darsy

Portrait Coralie Darsy

Après quelques années d’ingénierie dans l’eau et l’environnement, Coralie a été éducatrice Montessori.

En 2021, elle devient bénévole à la Coopérative Oasis pour lancer la Pépinière Oasis, puis rejoint pleinement l’équipe en 2022 pour coordonner les formations.

 

Mathieu Labonne

Ingénieur de l’Isae-SupAéro de formation ayant travaillé au CNRS dans la recherche sur le climat et la gouvernance carbone, Mathieu Labonne a été directeur de l’association Colibris où il a notamment développé le Projet Oasis.

Il est aujourd’hui président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux de vie et d’activités écologiques et collectifs, où l’on expérimente des modes de vie sobres et solidaires au service du vivant.

Il est aussi engagé sur un chemin spirituel au côté de la sainte indienne Amma, dont il coordonne le centre, la Ferme du Plessis, près de Chartres depuis 2011.

Il est également président d’Oasis21, un ensemble de Tiers-Lieux en Île-de-France qu’il a contribué à créer.

Il est à l’origine de l’écohameau du Plessis  dans l’Eure-et-Loir où il réside avec sa famille.