L’erreur numéro 1 que font les collectifs qui ont des difficultés relationnelles

Nous rencontrons beaucoup de groupes qui vivent des difficultés relationnelles. Ils ont du mal à se parler avec bienveillance, il y a de plus en plus de défiance dans le groupe, certains mots prononcés blessent, et petit à petit, ils n’arrivent plus à travailler ensemble, et à décider ensemble. Les relations dans le groupe deviennent poisseuses, rudes, désagréables !

L’erreur numéro 1 que nous rencontrons très souvent dans ces groupes, c’est l’idée qu’ils leur faut un outil pour les sauver. Cela peut être le cercle restauratif, la gouvernance partagée, l’écriture d’une constitution, la communication non-violente, des méthodes pour traverser les conflits…

Dans cet article, nous vous présentons en quoi cette stratégie est souvent erronée, et que faire à la place…

Les effets délétères de la recherche d’un outil-solution

Bien sûr quand on rencontre un outil, on vit souvent une “lune de miel” avec l’outil, ce qui est tout à fait normal et compréhensible : souvent on est “à fond” dans la CNV par exemple, on trouve ça magique, on ne comprend pas comment on a pu faire pour vivre sans jusqu’ici, on a envie d’en parler à tout le monde, que tout le monde fasse des stages… Et reconnaissons que de nos jours, il y a de plus en plus d’outils qui sont de formidables chemins vers la découverte de soi et de l’autre et le travail ensemble.

Sauf que pour maîtriser un outil et arriver à ce qu’il réponde à ses promesses, il faut du temps.

On connait tous des personnes qui sont séduites par la CNV et qui finalement se ferment et ne veulent plus parler et écouter des personnes qui ne parlent pas avec le bon protocole.

Ils savent parler de leurs besoins en CNV, mais écouter avec des oreilles de girafe, c’est pas encore ça. Et c’est bien normal, on n’apprend pas à maîtriser cette nouvelle langue de la CNV en un jour.

On se focalise sur l’outil, le protocole, alors que ce ne sont pas des outils mais des états d’esprit qui mettent des années à être réellement intégrés, et cela ne sera pas une solution facile et rapide. Au contraire, cela pourra engendrer beaucoup de frustration, et cela ne sera pas forcément l’outil qui conviendra à tout le monde.

Et cela peut créer plus de distances que de proximité. Introduire un nouvel outil dans une dynamique collective amène le groupe hors de sa zone de confort et le pousse à faire un effort pour s’adapter à un outil, alors même qu’il vit des difficultés relationnelles.

La gouvernance partagée, même si elle est un outil hyper puissant, reste complètement inutile dans un groupe dans lequel on ne se fait pas confiance. Vous avez déjà vécu le moment de silence après le tour d’écoute, où un proposeur doit faire une proposition dans un groupe où chacun veut tirer la couverture à lui/elle et sa vision du projet ? Absolument inutile. Ou bien un tour d’objection quand deux fortes têtes ont des idées opposées, et font objection sur objection pour ramener les choses dans leur sens ?

C’est complètement décourageant, frustrant, et la gouvernance partagée et son efficacité ne sera qu’à la “hauteur” des individus et surtout des relations entretenues par le groupe. Tout comme n’importe quel outil.

Le problème fondamental de la recherche d’outil : se focaliser sur l’extérieur pour détourner l’attention de l’intérieur

Se focaliser sur l’outil, c’est éviter d’aller en profondeur dans les difficultés relationnelles. C’est comme mettre un couvercle, ou un moyen de détourner l’attention.

C’est une protection, tout à fait naturelle et humaine, qui attire l’attention à l’extérieur, vers un outil, et non pas vers l’intérieur, vers ce qui se vit dans le groupe.

C’est un mécanisme de défense contre les difficultés que l’on vit à l’intérieur. Et bien sûr, cela fait peur de plonger à l’intérieur de soi, à l’intérieur du vécu de groupe, pour le transformer. C’est souvent un sacré chemin, et oui, cela sera sans doute douloureux, cela amène à dévoiler sa vulnérabilité.

Mais sans ce travail, l’appropriation des outils est purement et simplement inutile. C’est comme mettre un pansement sur une plaie ouverte, ou donner une béquille à quelqu’un qui a une fracture au tibia. Cela donne l’impression de faire quelque chose, cela aide la personne à marcher, mais cela ne guérit pas la blessure.

Source : unsplash.com

Pire encore, cela détourne l’attention sur ce qui se vit dans le groupe, sur la dynamique du groupe qui est dans un cercle vicieux.

Comment aller à l’intérieur et prendre soin de ce qui se vit ?

Quand un groupe est en crise, la première étape est de vraiment plonger dans les difficultés. Ceci pour arrêter de les éviter, pour en finir avec la désignation des boucs émissaires (qui peut être soit un individu, soit un outil qu’on a essayé et qui a plus créé de dégâts que de résultats positifs).

Bien sûr, c’est plus facile à faire avec un tiers car on se parle différemment en présence de quelqu’un d’extérieur au groupe, et cela permet au groupe de se détendre et s’ouvrir en étant “pris en charge” par quelqu’un qui assure l’animation et le service après vente des choses qui sont déposées dans le cercle.

Mais c’est aussi possible de gérer cela de manière autonome.

La première étape, c’est de reconnaître collectivement qu’il y a un problème, faire un état des lieux communs des dysfonctionnements, des mal vécus de groupe.

La deuxième étape, c’est de s’engager ensemble dans un processus pour traverser cette tempête.

Le processus peut comprendre des temps en grand groupe pour se livrer et partager nos blessures, pour ouvrir un espace d’empathie les uns envers les autres.

Puis ensuite un temps interindividuel pour prendre soin des relations interpersonnelles : créer un espace où chacun-e peut aller parler à chacun-e, avec bienveillance et faire le point sur la relation avec l’intention de faire du bien à cette relation. On peut éventuellement se partager comment on se sent dans la relation, ce qui est difficile pour moi dans la relation, et ce qui me fait du bien, et finir par une demande l’un-e à l’autre.

Source : unsplash.com

On espère que cet article vous aura aidé-e-s !

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Daphné Vialan

Daphné Vialan

Daphné Vialan est passionnée par la vie en collectif et le vivre-ensemble. Elle a habité plusieurs années à l’Arche de Saint-Antoine, et habite maintenant au sein d’un collectif en formation au Nord d’Agen.

Elle accompagne des collectifs à prendre soin de leurs relations au sein de la Coopérative Oasis.

Son expérience personnelle, alliée à ses multiples formations (CNV, gouvernance partagée, dynamique de groupe, transformation constructive des conflits, Processwork et Clean Coaching) font de son travail une combinaison unique qui réunit le cœur et la tête.

Ludovic Simon

Ludovic Simon

Citoyen engagé dans la vallée de la Drôme, amoureux des expériences de coopération et de gouvernance partagée, entrepreneur dans sa vie d’avant et auto-constructeur de maison, Ludovic accompagne des projets d’oasis et d’habitat participatif sur les aspects juridiques, financiers et humains.

Après des études en management de l’innovation à Polytech, il a cofondé plusieurs projets coopératifs : une société en gouvernance partagée dans le domaine de l’emploi avec 10 salariés et 2 millions d’utilisateurs inscrits, un tiers lieu de 3000 m² à Nantes (la Cantine), un évènement professionnel qui rassemble plus de 10 000 personnes sur 3 jours…

Il a également accompagner de nombreux porteurs et porteuses de projets, en notamment dans le secteur de l’ESS.

Ramïn Farhangi

CooperativeOasis_Ramin_Village de Pourgues

Ramïn Farhangi est le cofondateur de l’école Dynamique à Paris (2015), réputée pour être une des premières écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent de leurs journées. Il a également cofondé le réseau national de l’éducation démocratique EUDEC France (2016). Il est l’auteur de Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent (Actes Sud, 2018).

En 2017, il fonde l’écovillage de Pourgues, où il facilite des formations sur la vie collective et le leadership puis rejoint l’équipe opérationnelle de la Coopérative Oasis en 2022 comme animateur du réseau des oasis et accompagnant.

Il est également le fondateur de l’association Enfance Libre qui réunit des désobéissants afin de contester la suppression du régime légal de l’Instruction En Famille.

Coralie Darsy

Portrait Coralie Darsy

Après quelques années d’ingénierie dans l’eau et l’environnement, Coralie a été éducatrice Montessori.

En 2021, elle devient bénévole à la Coopérative Oasis pour lancer la Pépinière Oasis, puis rejoint pleinement l’équipe en 2022 pour coordonner les formations.

 

Mathieu Labonne

Ingénieur de l’Isae-SupAéro de formation ayant travaillé au CNRS dans la recherche sur le climat et la gouvernance carbone, Mathieu Labonne a été directeur de l’association Colibris où il a notamment développé le Projet Oasis.

Il est aujourd’hui président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux de vie et d’activités écologiques et collectifs, où l’on expérimente des modes de vie sobres et solidaires au service du vivant.

Il est aussi engagé sur un chemin spirituel au côté de la sainte indienne Amma, dont il coordonne le centre, la Ferme du Plessis, près de Chartres depuis 2011.

Il est également président d’Oasis21, un ensemble de Tiers-Lieux en Île-de-France qu’il a contribué à créer.

Il est à l’origine de l’écohameau du Plessis  dans l’Eure-et-Loir où il réside avec sa famille.