J’ai des jugements sur quelqu’un de mon collectif, est-ce que j’en parle ou pas ?

On entend souvent dire que l’autre est un miroir. L’autre est un enseignant. L’autre, c’est-à-dire surtout celui ou celle qui m’agace. …

C’est bien beau, mais quand je suis en colère contre quelqu’un qui me tape sur le système, qu’on vient de vivre une énième réunion ensemble où il/elle a encore été insupportable, ça ne m’aide pas qu’on me dise “oui mais l’autre est un miroir” !

Dans la vie en collectif, je crois qu’on a besoin à un moment de pouvoir laisser sortir ses chacals.

Sauf que, si je les laisse sortir avec n’importe qui et n’importe comment, je risque fort de dire des choses que je vais regretter et qui vont nuire au groupe.

Alors qu’est-ce que je fais ?

1/ Le danger de partager ses chacals avec le groupe

En effet, avec le biais de confirmation (on en a parlé dans cet article), si je commence à dire “Jean-Louis est vraiment complètement égocentrique, il ne pense qu’à lui tout le temps” à d’autres personnes du collectif, il va se passer deux choses.

D’une part, du fait du biais de confirmation, je vais inconsciemment en parler sûrement surtout aux personnes qui seront globalement d’accord avec moi.

Je ne vais pas aller dire ça aux personnes du collectif qui sont proches, ami-e-s, de Jean-Louis.

Donc je vais me confirmer ma croyance sur Jean-Louis, alors que c’est juste que j’ai choisi de parler à certaines personnes et pas d’autres !

D’autre part, je vais alimenter chez ces personnes et chez moi une étiquette qu’on va donc coller sur la tête de Jean-Louis (égocentrique par exemple), et ensuite, les autres aussi souffriront du biais de confirmation et entendront dans les paroles de Jean-Louis en priorité ce qui leur confirme qu’il est égocentrique.

Encore une fois, je rappelle que c’est normal, ni bien, ni mal, notre cerveau ne peut pas enregistrer tout ce que dit Jean-Louis en l’occurrence, il doit donc faire des choix dans toutes ses prises de parole, et tout ce qu’il dit, et il va donc faire le choix de retenir ce qui lui confirme ses croyances pré-existantes.

C’est ainsi que les rumeurs enflent, que les comportements de l’un-e ou de l’autre sont stigmatisé-e-s.

 
Source : unsplash.com

Donc attention à la contagion des jugements négatifs sur les autres, qui les limitent, et m’empêchent de les entendre réellement, de se laisser surprendre par l’autre personne.

 
 

2/ Le danger de la dictature de la bienveillance et de garder ses jugements à l’intérieur

Cependant, si je garde tous mes chacals à l’intérieur en train d’aboyer à la mort, il se peut que cela devienne douloureux pour moi.

Source : unsplash.com

Parfois, j’aime rire de moi et de mon « juge bulgare ».

Vous le connaissez le juge bulgare ?

Quand j’étais petite et que je regardais les compétitions de patinage artistique (avec ma maman chérie), au moment des notes, chaque juge donne sa note, et ça donne « 4.7, 4.8, 4.6, 4.7 » et là, d’un coup, y’a un juge qui dit « 3.2 ».

Et dans mes souvenirs de petite fille, on riait avec ma mère, on s’indignait, c’était le juge bulgare, le plus sévère de tous, le plus intransigeant, qui ne laisse passer aucune erreur, qui est hyper exigeant.

Eh bien, souvent, dans ma tête, je l’entends, mon juge bulgare intérieur, qui juge chaque micro erreur de chacun-e (ou de mon bouc émissaire préféré), qui ne laisse rien passé d’une formulation maladroite ou d’une moue un peu ambiguë.

Donc, avec discernement, il peut être utile de faire sortir ses chacals avec une personne de confiance (dedans ou dehors du collectif).

Avant de lui partager mes chacals, je peux éventuellement faire une petite introduction du genre : “j’ai besoin de faire sortir tous mes jugements pour qu’ils arrêtent de prendre toute la place à l’intérieur, est-ce que tu veux bien m’écouter sans tirer de conclusion ni sur l’autre personne, ni sur moi. Je sors mes jugements, et peut-être qu’une fois sortis, ils auront disparu, qui sait ?”

L’idée c’est de sortir ses chacals, pour qu’ils arrêtent de prendre toute la place dans mon cerveau, mais pas pour me conforter dans ma position de victime, mais pour les reconnaitre, comme une première étape.

Je peux partager mes chacals aux autres, si possible en leur partageant que je suis en chemin pour traverser les choses avec cette personne qui m’agace et que c’est une première étape que d’en parler, pour aider à mettre les choses au clair !

La semaine prochaine, on parlera de comment accueillir les chacals de quelqu’un d’autre de votre collectif : que fait quand quelqu’un vient auprès de vous pour se plaindre ou médire d’une autre personne du collectif…

D’ici là tout de bon à chacun-e et à vos collectifs !

Être accompagné par la Coopérative Oasis

Encore plus de conseils pour celles et ceux qui vivent ou souhaitent vivre oasis dans le livre Vivre ensemble en écolieu écrit par Daphné Vialan, accompagnatrice à la Coopérative Oasis sur le volet humain.

Commander le livre

1 réflexion sur “J’ai des jugements sur quelqu’un de mon collectif, est-ce que j’en parle ou pas ?”

  1. Ping : Comment écouter un autre membre du collectif qui me partage son chacal ? - Coopérative Oasis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Sur le même thème

Retour en haut

Contactez-nous

Daphné Vialan

Daphné Vialan

Daphné Vialan est passionnée par la vie en collectif et le vivre-ensemble. Elle a habité plusieurs années à l’Arche de Saint-Antoine, et habite maintenant au sein d’un collectif en formation au Nord d’Agen.

Elle accompagne des collectifs à prendre soin de leurs relations au sein de la Coopérative Oasis.

Son expérience personnelle, alliée à ses multiples formations (CNV, gouvernance partagée, dynamique de groupe, transformation constructive des conflits, Processwork et Clean Coaching) font de son travail une combinaison unique qui réunit le cœur et la tête.

Ludovic Simon

Ludovic Simon

Citoyen engagé dans la vallée de la Drôme, amoureux des expériences de coopération et de gouvernance partagée, entrepreneur dans sa vie d’avant et auto-constructeur de maison, Ludovic accompagne des projets d’oasis et d’habitat participatif sur les aspects juridiques, financiers et humains.

Après des études en management de l’innovation à Polytech, il a cofondé plusieurs projets coopératifs : une société en gouvernance partagée dans le domaine de l’emploi avec 10 salariés et 2 millions d’utilisateurs inscrits, un tiers lieu de 3000 m² à Nantes (la Cantine), un évènement professionnel qui rassemble plus de 10 000 personnes sur 3 jours…

Il a également accompagner de nombreux porteurs et porteuses de projets, en notamment dans le secteur de l’ESS.

Ramïn Farhangi

CooperativeOasis_Ramin_Village de Pourgues

Ramïn Farhangi est le cofondateur de l’école Dynamique à Paris (2015), réputée pour être une des premières écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent de leurs journées. Il a également cofondé le réseau national de l’éducation démocratique EUDEC France (2016). Il est l’auteur de Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent (Actes Sud, 2018).

En 2017, il fonde l’écovillage de Pourgues, où il facilite des formations sur la vie collective et le leadership puis rejoint l’équipe opérationnelle de la Coopérative Oasis en 2022 comme animateur du réseau des oasis et accompagnant.

Il est également le fondateur de l’association Enfance Libre qui réunit des désobéissants afin de contester la suppression du régime légal de l’Instruction En Famille.

Coralie Darsy

Portrait Coralie Darsy

Après quelques années d’ingénierie dans l’eau et l’environnement, Coralie a été éducatrice Montessori.

En 2021, elle devient bénévole à la Coopérative Oasis pour lancer la Pépinière Oasis, puis rejoint pleinement l’équipe en 2022 pour coordonner les formations.

 

Mathieu Labonne

Ingénieur de l’Isae-SupAéro de formation ayant travaillé au CNRS dans la recherche sur le climat et la gouvernance carbone, Mathieu Labonne a été directeur de l’association Colibris où il a notamment développé le Projet Oasis.

Il est aujourd’hui président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux de vie et d’activités écologiques et collectifs, où l’on expérimente des modes de vie sobres et solidaires au service du vivant.

Il est aussi engagé sur un chemin spirituel au côté de la sainte indienne Amma, dont il coordonne le centre, la Ferme du Plessis, près de Chartres depuis 2011.

Il est également président d’Oasis21, un ensemble de Tiers-Lieux en Île-de-France qu’il a contribué à créer.

Il est à l’origine de l’écohameau du Plessis  dans l’Eure-et-Loir où il réside avec sa famille.