Dans un autre article, on vous a partagé tous les bienfaits de vivre en collectif avec des enfants. C’était un peu la mélodie du bonheur : les grands espaces, la créativité, l’autonomie que cela développe chez les enfants…
Sauf que… en ayant vécu en oasis avec des enfants, je sais aussi que c’est un sacré défi, et que ça présente des difficultés bien spécifiques, et pas des moindres !
Comme beaucoup de choses quand on vit en oasis, c’est à la fois “génial trop bien on change le monde”, et en même temps sacrément difficile.
Alors dans cet article, on passe du côté obscur de la force, et on explore ce qui est plus compliqué quand on vit avec des enfants en oasis. Cet article puise son inspiration dans un temps de partage qui a eu lieu lors des Journées Oasis à Oasis en octobre 2021.
1/ Parce que c’est officiel et de notoriété publique : je ne suis pas une maman parfaite
Pour moi, le plus dur en vivant avec mes enfants en écolieu, c’est d’abord la pression que je me suis mise pour être une maman parfaite.
Alors, bien sûr, toute maman normalement constituée (en oasis ou pas) essaie d’être une maman parfaite, ou en tous cas, de faire de son mieux. Sauf que la maman habituelle, elle, n’élève pas ses enfants sous le regard quotidien de plusieurs autres adultes qui ne font pas partie de ma famille.
D’autres adultes qui, souvent, prônent des valeurs de bienveillance, de simplicité, d’écoute, d’empathie, questionnent les oppressions systémiques, et qui sont convaincus que les enfants sont l’avenir de l’humanité à choyer et protéger.
Mais aussi des adultes de passage qui viennent découvrir le monde des oasis et mettent leurs espoirs en le genre humain dans les gens qui vivent en oasis, tout en se disant “eux, ils le font, moi je peux pas, j’ai mon boulot à Paris que je ne peux pas quitter, ma mère malade dont je dois m’occuper, je suis trop solitaire* (insérer ici la bonne raison de ne pas vivre en oasis)”.
Résultat, quand je pète un plomb parce que l’enfant numéro 1 fait un sit-in dans l’escalier de la maison commune, alors que je suis pressée et que j’ai dormi 3 heures cette nuit (non consécutives), ou quand je perds patience parce que l’enfant numéro 2 jette ses brocolis par terre (voire sur des gens de passage dans la salle à manger) après les avoir consciencieusement écrabouillés dans sa main, c’est le drame.
Et je reçois une tonne de conseils très bienveillants mais pas demandés, que j’accueille avec un sourire un peu crispé…
Alors pour moi, ça a été une grande école qui m’a à la fois aidée à donner le meilleur de moi-même à mes enfants, encouragée par le regard des autres, et en même temps, une école pour assumer qui je suis dans mes défauts et mes fragilités.
2/ Parce que la frontière vie privée/travail est ténue
Beaucoup de personnes en oasis travaillent sur place et expérimentent une sorte d’unité de vie qui ne sépare plus catégoriquement la vie professionnelle et les relations sociales de la vie privée. A la fois la vie en oasis constitue parfois un travail en soi (le temps de réunions par exemple) et certaines oasis organisent des activités comme l’accueil qui sont un travail commun. Les temps et les espaces deviennent flous.
Ça donne des réunions avec des enfants qui pleurent ou qui surgissent à l’improviste, des parents fatigués, et parfois mal à l’aise, d’autres adultes qui entendent de moins en moins bien et sont gênés par le bruit des enfants.
L’intergénérationnel dans le concret, c’est aussi partager les espaces, et risquer de marcher sur une petite voiture en entrant dans une salle de réunion, ou bien devoir ranger des trottinettes qui traînent avant de pouvoir se garer et déposer ses courses.
Pour les parents, il en résulte souvent un déchirement entre être présent avec le collectif (et mon travail), ou être avec mon enfant. Et essayer de faire les deux, donne le sentiment de ne faire bien ni l’un ni l’autre.
3/ Parce qu’il faut trouver la juste distance avec les enfants des autres
Et puis il y a aussi les enfants des autres : qu’on soit parent ou pas, on se retrouve en interaction avec ces individus légèrement différents de nous.
Il faut se mettre d’accord sur des règles pour notre collectif, en prenant en compte parents et enfants. Se mettre d’accord sur la frontière entre la vie privée de chacun et la vie collective. Je n’ai pas envie de devoir changer mes choix d’éducation pour le collectif, et pourtant, ceux-ci ont un impact sur notre vie ensemble. Bref, c’est encore et toujours une négociation à entamer.
Le rapport aux enfants des autres vient parfois bousculer mes idées sur l’éducation : quand certains ou certaines veulent laisser les enfants libres, et que cela résulte en une dégradation matérielle pour le collectif, comment est-ce qu’on vit cela entre adultes et enfants sereinement ?
Quand j’arrive dans le jardin l’été, et que je trouve une bande d’enfants entre 5 et 10 ans qui joue debout sur les tables sur lesquelles on mange, est-ce que j’interviens ? Comment ? Comment est-ce que je me sens à l’aise pour rappeler une règle à des enfants qui ne sont pas les miens ?
À partir d’un certain âge, il est possible de créer un conseil des enfants, comme à Ecologis (Strasbourg), mais je crois que ce qui est crucial à cet endroit là, c’est d’avoir conscience des enfants et des implications de nos choix d’adultes pour eux, et de réussir à leur donner une place ajustée : ni toute-puissante, ni impuissante.
4/ Parce qu’en écolieu on vit beaucoup d’arrivées et de départs
Un dernier impact énorme de la vie en collectif pour les enfants, ce sont les arrivées et les départs sur le lieu. En effet, en vivant en oasis, la vie est souvent intense et amène son lot de nouvelles personnes (adultes et enfants), mais aussi de départs.
Les enfants se trouvent pris dans ce tourbillon, et certains peuvent être touchés par ces allers et venues.
Comment mon enfant vit-il la présence d’une autre famille pour un temps, qui vient tester la vie en oasis, et à laquelle finalement, on doit dire qu’elle ne peut pas rester plus longtemps ? Comment moi, en tant qu’adulte, je prends en compte mon enfant dans mes choix pour intégrer de nouvelles personnes ? Comment est-ce que j’accompagne mon enfant dans ces départs, et dans les arrivées ?
Finalement, la place des enfants pose des questions qui nous prennent aux tripes, sur lesquelles on réagit presque instinctivement. Elles suscitent souvent beaucoup d’émotions, et peuvent cristalliser des difficultés dans le collectif.
Lire aussi : 3 bonnes raisons d’élever ses enfants en oasis
Si ce sujet remue dans votre collectif, et que vous souhaitez ouvrir un espace pour traverser ces remous en étant accompagnés, n’hésitez pas à nous contacter !
1 réflexion sur “Pourquoi c’est un sacré défi de vivre en oasis avec ses enfants (et ceux des autres !)”
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