« Oasis » : une marque collective pour protéger sans privatiser !

Oui “oasis” désigne une boisson (très) sucrée et le groupe de rock du (très) sexy Liam Gallagher. Mais “oasis” est aussi une marque collective caractérisant des lieux de vie collectifs et écologiques… Comment fonctionne cette marque collective et quel pouvoir donne-t-elle au réseau des oasis ?

source : pexels.com

Un cadre légal pour le terme “oasis”

Avec le développement rapide du réseau des oasis, nous avons éprouvé le besoin de protéger le terme d’oasis, explique Mathieu Labonne, directeur de la Coopérative Oasis. Le risque existait en effet que des projets de construction utilisent le terme oasis pour se parer de notre image d’une pratique écologique exigeante et audacieuse, sans en avoir la réalité. Par exemple des lotissements lambda ou des constructions sans vraie démarche participative.

Le réseau avait donc besoin d’un outil juridique pour garantir un usage du terme “oasis” en accord avec ses valeurs. Il s’agissait également d’éviter que d’autres acteurs ne privatisent le terme après qu’il a été utilisé et développé pendant des années au sein de la Coopérative Oasis, la privant ainsi a posteriori de sa propre appellation.

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Protéger sans privatiser

L’enjeu était cependant de protéger la valeur du terme “oasis” sans pour autant le privatiser ni rendre son usage extrêmement compliqué pour les collectifs. Dans le cas d’un dépôt de marque traditionnel, tout usage du même terme que celui de la marque dans un domaine similaire doit faire l’objet d’une demande a priori. Déposer la marque “oasis” de façon “classique” aurait donc consisté à demander à tous les groupes souhaitant s’appeler “oasis” de faire la demande au préalable à la Coopérative Oasis. Cela revenait à privatiser un mot qui appartient avant tout aux groupes eux-mêmes !

Télécharger le règlement de la marque “oasis”

La solution a donc vite pris la forme de la “marque collective”, le modèle développé par Wikipedia. Le dépôt de la marque collective s’accompagne d’un règlement de marque. Dès lors qu’une personne physique ou morale souhaite utiliser le terme d’oasis dans certaines catégories d’activité – en l’occurrence la construction et le bâtiment, les publications… – elle doit se référer à ce règlement de marque. Celui-ci liste ce qu’il est possible de faire d’office, ce qu’il est possible de faire à condition de demander l’accord explicite à la Coopérative Oasis et ce qu’il est interdit de faire.

Crédit : Alexandre Sattler / Cooperative Oasis

Avec la “marque collective” qui a été déposée fin 2017, le terme d’oasis peut être a priori utilisé collectivement, explique Mathieu Labonne. En outre, c’est la Coopérative Oasis qui rédige le règlement de marque, elle-même organisée en société coopérative où tous les membres du réseau associés ont voix au chapitre. Nous avons donc réussi à recréer une gouvernance collective au sein d’une marque protégée. Cela permet de s’approcher du principe de licence libre, mais appliqué au droit des marques.

Un contrôle limité

En cas d’utilisation abusive du terme “oasis”, il s’agit pour la Coopérative Oasis d’être proactive dans le contrôle et de contacter la personne en cause. Tout dépend alors de sa bonne volonté, encline ou non à discuter et évoluer. Le procès est la dernière étape qui permet de faire respecter le règlement de marque, et il s’agit de procédures longues et coûteuses dont l’opportunité mérite d’être évaluée avec soin.

Nous avons engagé un dialogue dans le cadre d’un gros projet immobilier, qui n’était ni vraiment collectif, ni écologique et qui était appelé “l’Oasis”, raconte Mathieu Labonne. Mais ça n’a rien donné. Le problème de l’application de ce droit des marques est qu’il dépend beaucoup du rapport de force et de notre capacité à aller au procès si besoin. Cela pose systématiquement la question d’assumer ou non les coûts d’une procédure juridique fastidieuse.

Cependant, malgré une capacité de contrôle limité dans certains cas, il s’agit d’un service mutualisé de protection du terme “oasis” proposé au réseau, qui saura toujours jouer son rôle en cas de problème grave.

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Glossaire

  • Le droit des marques est une des composantes du droit de la propriété intellectuelle. Il regroupe l’ensemble des règles régissant les marques et leur protection juridique par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI). Il confère à une entreprise, une association ou un particulier le monopole d’exploitation de la marque pour le type de produits ou services qu’elle propose.
  • La marque est un signe permettant à un acteur économique ou social de distinguer les produits ou services qu’il distribue des produits ou services identiques ou similaires de ses concurrents. Elle représente l’image d’une entreprise et est garante, aux yeux du public, d’une certaine constance de qualité.
  • La marque collective a pour fonction d’identifier l’origine de produits et de services émanant d’un groupement d’acteurs (association, groupement de fabricants, de producteurs ou de commerçants, personne morale de droit public) autorisé à l’utiliser en vertu d’un règlement d’usage. “Wikipedia” est l’exemple le plus connu de marque collective.

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Daphné Vialan

Daphné Vialan

Daphné Vialan est passionnée par la vie en collectif et le vivre-ensemble. Elle a habité plusieurs années à l’Arche de Saint-Antoine, et habite maintenant au sein d’un collectif en formation au Nord d’Agen.

Elle accompagne des collectifs à prendre soin de leurs relations au sein de la Coopérative Oasis.

Son expérience personnelle, alliée à ses multiples formations (CNV, gouvernance partagée, dynamique de groupe, transformation constructive des conflits, Processwork et Clean Coaching) font de son travail une combinaison unique qui réunit le cœur et la tête.

Ludovic Simon

Ludovic Simon

Citoyen engagé dans la vallée de la Drôme, amoureux des expériences de coopération et de gouvernance partagée, entrepreneur dans sa vie d’avant et auto-constructeur de maison, Ludovic accompagne des projets d’oasis et d’habitat participatif sur les aspects juridiques, financiers et humains.

Après des études en management de l’innovation à Polytech, il a cofondé plusieurs projets coopératifs : une société en gouvernance partagée dans le domaine de l’emploi avec 10 salariés et 2 millions d’utilisateurs inscrits, un tiers lieu de 3000 m² à Nantes (la Cantine), un évènement professionnel qui rassemble plus de 10 000 personnes sur 3 jours…

Il a également accompagner de nombreux porteurs et porteuses de projets, en notamment dans le secteur de l’ESS.

Ramïn Farhangi

CooperativeOasis_Ramin_Village de Pourgues

Ramïn Farhangi est le cofondateur de l’école Dynamique à Paris (2015), réputée pour être une des premières écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent de leurs journées. Il a également cofondé le réseau national de l’éducation démocratique EUDEC France (2016). Il est l’auteur de Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent (Actes Sud, 2018).

En 2017, il fonde l’écovillage de Pourgues, où il facilite des formations sur la vie collective et le leadership puis rejoint l’équipe opérationnelle de la Coopérative Oasis en 2022 comme animateur du réseau des oasis et accompagnant.

Il est également le fondateur de l’association Enfance Libre qui réunit des désobéissants afin de contester la suppression du régime légal de l’Instruction En Famille.

Coralie Darsy

Portrait Coralie Darsy

Après quelques années d’ingénierie dans l’eau et l’environnement, Coralie a été éducatrice Montessori.

En 2021, elle devient bénévole à la Coopérative Oasis pour lancer la Pépinière Oasis, puis rejoint pleinement l’équipe en 2022 pour coordonner les formations.

 

Mathieu Labonne

Ingénieur de l’Isae-SupAéro de formation ayant travaillé au CNRS dans la recherche sur le climat et la gouvernance carbone, Mathieu Labonne a été directeur de l’association Colibris où il a notamment développé le Projet Oasis.

Il est aujourd’hui président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux de vie et d’activités écologiques et collectifs, où l’on expérimente des modes de vie sobres et solidaires au service du vivant.

Il est aussi engagé sur un chemin spirituel au côté de la sainte indienne Amma, dont il coordonne le centre, la Ferme du Plessis, près de Chartres depuis 2011.

Il est également président d’Oasis21, un ensemble de Tiers-Lieux en Île-de-France qu’il a contribué à créer.

Il est à l’origine de l’écohameau du Plessis  dans l’Eure-et-Loir où il réside avec sa famille.