Une oasis dans mon village : la tuile !

Laurent Marseault aide les groupes à mettre en œuvre des projets coopératifs avec des outils libres et ouverts. Depuis des années, il soutient le réseau des oasis en posant sur lui un regard critique sans complaisance qui le fait grandir… et beaucoup rire ! À l’occasion du Festival Oasis 2020, Laurent a interpellé les collectifs sur leur capacité à s’intégrer aux territoires sur lesquels ils s’installent… Une bonne occasion d’explorer les enjeux d’une coopération territoriale sincère !

Travailler en réseau localement

En s’installant sur un territoire, un collectif peut se demander : y sommes-nous les seuls à mener une action écologique ? La réponse est forcément non, bien entendu. Le travail doit donc toujours être fait de recenser au préalable toutes les autres structures qui s’engagent autour d’une même cause, bien identifiée. Alors seulement, il est possible d’envisager ce qu’on appelle communément le travail en réseau.

Le réseau, s’il est bien animé et bien géré, permet d’avoir des actions concertées et cohérentes permettant d’être plus efficaces. Mais en quoi cela consiste-t-il exactement, le travail en réseau ?

Les Usines

Le réseau n’est pas une entité plane horizontale ; il se tisse à différentes échelles. La collaboration s’effectue à chacune de ces échelles et de façon différente. Si l’on prend l’exemple des oasis, travailler en réseau, c’est travailler ensemble :

  • au sein même d’une oasis entre les membres du collectif ;
  • au sein du réseau des oasis, entre toutes les oasis du territoire ;
  • au sein du réseau de tous les autres acteurs de la transition qui s’engagent autour de la notion d’habiter autrement le territoire (quartiers en gestion citoyenne, tiers-lieux…).
Maison Forte

La porosité ou le désert

Un réseau peut être fermé et fonctionner en circuit clos si sa raison d’être le justifie. C’est ce qu’ont pu faire les réseaux de résistance pendant la guerre, par exemple. Si l’on veut que le réseau soit ouvert, si rien ne justifie de travailler caché, il faut veiller à bien faire circuler les flux sortants et entrants, au risque sinon, de finir par faire un désert autour de soi. À toutes les échelles précédemment identifiées, il s’agit donc d’abord de donner de la visibilité à ce que l’on fait et produit. Non pas par de la matière brute et indigeste mais au travers d’une synthèse exploitable. Ce flux sortant permet de créer du commun et de transmettre des compétences aux autres acteurs du réseau. À toutes les échelles, il s’agit également de reconnaître, de recevoir et de se laisser inspirer par ce que font et produisent les autres structures. Pour cela, pas de mystère, il suffit de pratiquer l’écoute apprenante. Qu’est-ce à dire ? Prenons l’exemple d’une oasis juste à côté de la mienne qui fait de l’accueil gratuit alors que les stages que je propose sont payants. Plutôt que de se dire qu’elle plombe la cause en faisant du dumping, le travail en réseau consiste à partager avec elle ce qui marche chez moi et à voir si je ne peux pas appliquer ce qui fonctionne chez elle. En reconnaissant que les deux structures œuvrent différemment mais de façon complémentaire…

Écohameau du Plessis

Nous sommes là au cœur de la notion de porosité qu’implique un réseau. L’enjeu est d’accepter qu’il y a des choses que l’on fait en partie pareil et des choses que l’on fait en partie différemment. Cette posture légitime la place de l’autre et permet de se mettre en respiration avec ceux qui sont autour de soi. Cela requiert une bonne dose d’assurance… et d’humilité.

L’archipel pour horizon

Bien sûr, quand mon réseau fonctionne bien (une fois encore, à toutes les échelles), j’ai l’impression que je sais tout faire et que si tout le monde fait comme moi, les problèmes seront réglés. Cela s’entend pour chaque oasis, qui peut parfois donner l’impression, en arrivant sur un territoire, de prendre toute la place et de ne pas considérer ce que font ou ont fait avant lui les autres structures.

L’idée de l’archipel, à l’inverse, consiste à dire : « Voilà ce qu’on fait et ce qu’on fait très bien (méthodo, pédagogie…). En revanche, on peut avoir intérêt à aller voir tel ou acteur, qui est en train de travailler à fond sur les nouvelles formes de démocratie. Nous on y connaît rien pour l’instant, venez nous expliquer… » Cette démarche renvoie à ce qu’Édouard Glissant appelle l’identité racine et l’identité réseau. L’identité racine est la mienne, celle qui a présidé à ma création et qui fait que je suis singulier. L’identité réseau, ce sont les valeurs partagées, ce qu’il y a de convergent entre toutes les identités des structures qui veulent travailler ensemble. Disons, par exemple, les valeurs humanistes.

Ressourcerie du Pont

Ainsi, dans un réseau comme dans un archipel, il y a des îles très proches, avec lesquelles la collaboration est intense et la communauté de valeurs très forte. Et il y a des îles beaucoup plus lointaines, avec lesquelles on travaille plus ponctuellement, mais qui restent dans notre réseau via un socle commun minimal de valeurs. Dans chaque réseau, il y a des passeurs, des personnes qui vont régulièrement alerter en disant : « Là, vous parlez du nouveau rapport aux élus, mais il y a déjà 30 groupes constitués qui bossent sur le sujet ». C’est lui, le chieur bien souvent, qui permet la perméabilité et l’archipel. À bon entendeur…

  • Ainsi, dans un réseau comme dans un archipel, il y a des îles très proches, avec lesquelles la collaboration est intense et la communauté de valeurs très forte. Et il y a des îles beaucoup plus lointaines, avec lesquelles on travaille plus ponctuellement
  • mais qui restent dans notre réseau via un socle commun minimal de valeurs. Dans chaque réseau, il y a des passeurs, des personnes qui vont régulièrement alerter en disant : « Là, vous parlez du nouveau rapport aux élus, mais il y a déjà 30 groupes constitués qui bossent sur le sujet ».
  • C’est lui, le chieur bien souvent, qui permet la perméabilité et l’archipel. À bon entendeur…

Pour aller plus loin

Festival Oasis 2017
Cette tribune écrite est issue d’une intervention donnée par Laurent Marseault à l’occasion du Festival Oasis 2017 au Domaine de Chardenoux, sur le pourquoi et le comment du travail en réseau.
cocotier.xyz : le site de Laurent Marseault

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Daphné Vialan

Daphné Vialan

Daphné Vialan est passionnée par la vie en collectif et le vivre-ensemble. Elle a habité plusieurs années à l’Arche de Saint-Antoine, et habite maintenant au sein d’un collectif en formation au Nord d’Agen.

Elle accompagne des collectifs à prendre soin de leurs relations au sein de la Coopérative Oasis.

Son expérience personnelle, alliée à ses multiples formations (CNV, gouvernance partagée, dynamique de groupe, transformation constructive des conflits, Processwork et Clean Coaching) font de son travail une combinaison unique qui réunit le cœur et la tête.

Ludovic Simon

Ludovic Simon

Citoyen engagé dans la vallée de la Drôme, amoureux des expériences de coopération et de gouvernance partagée, entrepreneur dans sa vie d’avant et auto-constructeur de maison, Ludovic accompagne des projets d’oasis et d’habitat participatif sur les aspects juridiques, financiers et humains.

Après des études en management de l’innovation à Polytech, il a cofondé plusieurs projets coopératifs : une société en gouvernance partagée dans le domaine de l’emploi avec 10 salariés et 2 millions d’utilisateurs inscrits, un tiers lieu de 3000 m² à Nantes (la Cantine), un évènement professionnel qui rassemble plus de 10 000 personnes sur 3 jours…

Il a également accompagner de nombreux porteurs et porteuses de projets, en notamment dans le secteur de l’ESS.

Ramïn Farhangi

CooperativeOasis_Ramin_Village de Pourgues

Ramïn Farhangi est le cofondateur de l’école Dynamique à Paris (2015), réputée pour être une des premières écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent de leurs journées. Il a également cofondé le réseau national de l’éducation démocratique EUDEC France (2016). Il est l’auteur de Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent (Actes Sud, 2018).

En 2017, il fonde l’écovillage de Pourgues, où il facilite des formations sur la vie collective et le leadership puis rejoint l’équipe opérationnelle de la Coopérative Oasis en 2022 comme animateur du réseau des oasis et accompagnant.

Il est également le fondateur de l’association Enfance Libre qui réunit des désobéissants afin de contester la suppression du régime légal de l’Instruction En Famille.

Coralie Darsy

Portrait Coralie Darsy

Après quelques années d’ingénierie dans l’eau et l’environnement, Coralie a été éducatrice Montessori.

En 2021, elle devient bénévole à la Coopérative Oasis pour lancer la Pépinière Oasis, puis rejoint pleinement l’équipe en 2022 pour coordonner les formations.

 

Mathieu Labonne

Ingénieur de l’Isae-SupAéro de formation ayant travaillé au CNRS dans la recherche sur le climat et la gouvernance carbone, Mathieu Labonne a été directeur de l’association Colibris où il a notamment développé le Projet Oasis.

Il est aujourd’hui président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux de vie et d’activités écologiques et collectifs, où l’on expérimente des modes de vie sobres et solidaires au service du vivant.

Il est aussi engagé sur un chemin spirituel au côté de la sainte indienne Amma, dont il coordonne le centre, la Ferme du Plessis, près de Chartres depuis 2011.

Il est également président d’Oasis21, un ensemble de Tiers-Lieux en Île-de-France qu’il a contribué à créer.

Il est à l’origine de l’écohameau du Plessis  dans l’Eure-et-Loir où il réside avec sa famille.